Ouvrant le robinet d’eau chaude, Magnus attendit que les vapeurs d’eau viennent envahir ses poumons encore à vifs après l’entraînement à la course qu’il venait de s’imposer avant de venir enfin se placer sous les trombes d’eau fumante de la douche. L’homme au sang chaud avait horreur de l’eau froide et ne semblait se complaire que dans les milieux les plus torrides, à croire qu’il avait peur de gagner en sang froid puisque de toute évidence, ses entraînements ne parvenaient pas à le défouler. S’entraîner aussi dur avant une ronde n’était probablement pas la meilleure idée qu’il avait pu avoir ces derniers jours mais c’était plus fort que lui, il ne savait pas arrêter ses séances avant de sentir l’ensemble de ses muscles hurler leur souffrance et se durcir d’acides jusqu’à rendre ses mouvements les plus minimes douloureux. Il était ainsi, sans limites. Probablement un peu inconscient aussi. Refermant le robinet, il attrapa la serviette blanche qu’il avait posé à deux pas de là avant de se sécher sommairement et finalement, l’enrouler avec soin autour de sa taille. Oh ce n’était pas là un excès de pudeur mais après quelques années passées au sein de la troupe d’élite, il avait fini par se rendre compte qu’ils étaient tous Tapettes et ils le lui rappelaient bien trop souvent à son goût pour qu’il puisse l’oublier. Il lui arrivait parfois de se demander comment ces demi-hommes étaient parvenus à intégrer le rang des Nightingale alors que…Non, il ne préférait pas y penser tout compte fait et ne voulait surtout pas s’imposer de vision d’horreur. A croire que les entraînements avaient fini par leur bousiller la cervelle à ces mecs et même s’il était plus ou moins supposé les considérer comme ses frères d’armes, aujourd’hui encore il préférait mettre de la distance avec eux. Après tout, Jaël et Alev lui suffisaient bien, pas besoin de se coltiner les folles en plus.
Poussant la porte de sa chambre, il se dirigea sans un regard pour son colocataire vers l’armoire qui contenait sa tenue . Comme bon nombre d’Audacieux, Magnus ne rentrait finalement dans sa chambre que pour y dormir et la décoration témoignait sans mal son imprégnation dans le lieu : en dehors de ses vêtements, Magnus ne disposait d’aucuns effets personnels. Rien pouvant rappeler qui il était et d’ou il venait. De toute évidence, il était aussi matérialiste qu’amical. Sans plus attendre, il se débarrassa de sa serviette qu’il plia en quatre avant d’enfiler sa tenue noire aux plates renforcées avant de se saisir de son arme de service et quelques autres couteaux pratiques pour causer un maximum de dégâts sur les rebelles alors obligés de se rendre dans les hôpitaux ou éventuellement, trancher la gorge à Ares si ce dernier se mettait en tête de se venger, tant d’années après sa défaite. Voilà donc le programme de la soirée : mener une ronde en l’amicale compagnie d’Arès, le bon second de sa promotion, derrière lui. Cela avait aujourd’hui encore une saveur jouissive pour le brun qui ne regrettait toujours pas d’avoir saboté la course d’Ares. Pas assez pour le mettre hors-jeu mais au moins pour s’assurer la première place du classement, place qu’il méritait amplement par ailleurs : il s’était trop sacrifié pour accepter l’échec. Il s’était trop donné à la fraction pour tolérer d’être second. Arès avait probablement les mêmes pensées et pourtant, il s’était fait avoir, il avait trop tardé à dévoiler son potentiel, sa détermination, sa niaque et c’était sur ce minime point que s’était jouée la victoire de l’un, la défaite de l’autre. Autant dire que Magnus éprouvait pour le blond une sympathie toute particulière même si bizarrement, elle ne lui paraissait guère partagée.
Se sentant particulièrement de bonne humeur, le Fauve marché d’un pas paisible vers le point de départ des rondes et ne pu que constater qu’Arès était déjà arrivé. « Au moins premier une fois dans ta vie, c’est bien ! » lui-lança-t-il en guise de salut, un large sourire fendant son visage pour dévoiler ses dents parfaitement alignées. Enfoiré ? Sans nul doute mais c’était plus fort que lui, la provocation était trop tentante et puis, il préférait en rire qu’en pleurer, pas vrai Arès ?

Ares n'avait plus énormément de peurs depuis qu'il avait subi l'entrainement de ses pères, puis celui des Nightingales, mais de temps à autre, un frisson lui parcourait l'échine, vestige d'une intuition ou d'un sens de l'auto préservation qui n'avait pas encore été détruit. Il avait eu un frisson de ce genre le matin même lorsqu'on lui avait dit qu'il ferait sa patrouille avec Magnus, un type de son âge détestable au possible. Et il ne disait pas ça parce qu'il l'avait dépassé lors de l'Initiation par une tactique de fourbe, allant le faire tomber pour s'attribuer tous les mérites. Il pouvait comprendre ce geste, même s'il ne le cautionnait pas, parce que certains faisaient tout pour le pouvoir, mais le caractère et la personne de l'Audacieux lui étaient devenus insupportables au fil du temps, renforçant cette première mauvaise impression. Qu'il soit aussi un Nightingale rendait le travail tendu, obligeant à une double surveillance ; celle des rues et celle du jeune homme. Pourtant Ares aurait aimé avoir une totale confiance dans ses coéquipiers...

Enfilant son uniforme et vérifiant religieusement son arme de service pour éviter tout problème d'enrayage ou de munitions, même s'il ne s'attendait pas à de grandes actions ce soir, il passa par la chambre de Gengar pour lui dire qu'il partait, admirant au passage son dos musclé, une vision qui le réconforta un peu. Qu'importe ce qu'allait lui dire Magnus, qu'importe la frustration et l'envie d'écraser sa tête contre un mur pour sentir le sang couler entre ses doigts, il avait quelqu'un avec qui il pourrait se changer les idées en rentrant.
Marchant d'un bon pas, il se dirigea vers le haut de la falaise, arrivé un peu en avance, et se mit en position d'attente, préparant ses muscles à l'effort, jusqu'à ce que des pas arrogants derrière lui ne le mettent en garde quand à l'arrivée de l'autre Nightingale. Lui faisant face avec une moue blasée, l'entendant cracher son venin une énième fois, il réprima une nouvelle image de Magnus au sol, couvert de sang, pour moduler son visage et lui offrir une de ses meilleures expressions suggestives. “Tu me connais, je préfère être derrière, j'aime tellement mater ton petit cul ferme...” Se léchant les lèvres avant de se retourner, comme s'il n'était pas un adversaire dont il devait se méfier, il se concentra sur le plan de patrouilles qu'ils allaient suivre. Il avait bien envie de faire le trajet le plus court possible, mais ce serait avouer qu'il ne pouvait pas travailler en équipe avec lui, et il ne ferait pas ça à Soren.

Désolé pour le retard, la machine est enfin débloquée!