La brise soufflait, ou non, peut-être était-ce un vent d’ouest. Qu’importe en réalité, l’air se faufilait dans mon coup et me glaçait le sang. Je me frottais les mains de sorte à ce qu’un peu de chaleur pénètre mon corps, en vain. Le chemin vers la maison est long, nous vivons très loin de l'école et je dois parcourir le chemin de mes frêles jambes.
Je me retourne et contemple la vue de la ville, elle s’étend à des centaines de mètres carrés, elle est si grande, c’est impressionnant. Le vent s’intensifie et mes cheveux  bruns viennent troubler ma vue. Mais ce ne sont pas seulement mes cheveux qui troublent ma vue, non. Le coup que j’ai reçu ce matin m’empêche de voir comme à l’habitude. De plus, ce coup m’a marqué ; un bleu est apparu sous mon œil. Mon arcade me fait terriblement mal. Mais ni Maman, ni Papa ne doivent savoir. Mais je ne sais pas comment cacher ça.
Mon visage n’est en fait rien face au reste de mon corps. Les hématomes sont là, partout sur moi. Mais je dois me taire, si je dis quoi que ce soit, ça sera pire et je ne veux surtout pas ça. Je suis un altruiste et je dois me faire oublier, il n’a pas à chercher plus loin, ainsi est ma faction, ainsi je suis.
A peine sorti de l’école, j’appréhende le lendemain comme un avenir inéluctable. Quoi qu’il arrive, je sentirais la douleur affluer, qui me lancera à chaque coup de pied dans les côtes. C’est un cauchemar qui dure depuis bientôt un an. Je me bats, je veux ouvrir les yeux, me dire que tout est oublié. Que rien de ce que je vis ne s’est passé et que je suis prêt à vivre une vie des plus normales. Je ne veux plus de cela, mais je ne peux pas me battre seul contre lui. Je suis un impuissant.
Alors je marche de nouveau, tentant malgré moi d’oublier, parce que face à une douleur telle, on ne peut pas se battre, on ne peut qu’oublier.

Mon cœur tambourinait contre ma poitrine, je me sentais rougir, j’avais terriblement chaud. La cérémonie du choix approchait à grands pas et j’étais vraiment anxieux. Il n’y avait pourtant aucune raison à cela. Ma faction d’origine était les Altruistes, mon test d’aptitude avait révélé les Altruistes il n’avait donc aucun doute. Ma mère me rassurait en posant sa main sur mon épaule tandis ce que je respirais si fort que mes épaules se levaient au gré de mes poumons. On nous indiquait de rentrer à l’intérieur de la salle. Je relevais ma tête, prêt à affronter l’adversité comme je le devais. Mes parents prenaient place dans l’hémicycle alors que j’allais au premier rang. Je regardais de tous les côtés le plus discrètement possible. J’étais parmi les derniers à être appelé. S était la dix-neuvième lettre de l’alphabet et je ne déglutissais déjà rien qu’à m’imaginer sur cette scène devant tous ces inconnus. Je restais comme pétrifié, ne sachant quoi faire. Regarder mes parents ? Les autres jeunes ? Je n’osais pas me faire remarquer. Le discours classique était énoncé. Je bannissais l’orgueil et l’égocentrisme. Puis on appela les premiers adolescents. Le S se rapprochait plus à chaque nouveau jeune que l’on invitait à rejoindre le cercle central. Déjà deux changements de faction. Je me perdais dans mes pensées et puis soudainement retentit un : « Smith, Taylor. » Je me levais et gonflais le torse. Rejoignant cette dame elle me tendit un canif que je saisis tout en lui offrant un léger sourire en guise de remerciement. Sûr de moi, j’allais vers la coupe où il y avait des galets, couleur grise. Ma main levée en l’air, la lame sur ma paume, j’hésitais. Puis d’un coup sec et vif, mon sang coulait déjà sur les pierres. J’avais juré allégeance à ma faction, et ce, pour le restant de ma vie.

Les gens m’observent à peine. Si absorbé par leurs discussions. Moi j’en entends tous les jours des conversations d’employés de la ville. Ça discute de tout mais surtout de rien. Je connais presque leur vie à tous, je suis l’homme qui les sert, je les écoute et je sais. C’est à peine si j’ai le droit à un merci, on voit un peu l’estime que j’ai chez eux. Ils ne savent pas qui je suis, et c’est mieux ainsi en réalité. Je suis comme un fantôme, une âme meurtrie qui chaque jour, sert des plats dans un mouvement similaire. Je ne sais pas si toute ma vie je ferais ça, toujours est-il qu’aujourd’hui je fais ça, et j’ai trouvé une personne qui m’aide, alors peut-être que pour le moment, c’est mieux ainsi.

Elle est belle, sublime. C’était une personne comme elle qui me manquait, quelqu’un qui puisse me venir en aide. Que l’on puisse se venir en aide mutuellement. Jamais je ne me suis senti dans un tel état avec une personne.